Fiscal
Relations avec l'Administration fiscale
22 septembre 2023

Précisions administratives sur le délit comptable

Les commentaires administratifs relatifs aux infractions assimilées au délit de fraude fiscale et délits spéciaux de fraude fiscale sont complétés par plusieurs décisions jurisprudentielles illustrant les éléments constitutifs du délit comptable.

 

Les délits tenant à la comptabilité sont sanctionnés par l’application des peines réservées au délit général de fraude fiscale. Ces délits peuvent revêtir 2 formes :

  • omission délibérée de passer ou de faire passer des écritures au livre-journal ou dans les documents qui en tiennent lieu ;

  • passation délibérée d’écritures fictives ou inexactes dans les mêmes documents .

Ainsi peuvent être sanctionnées les irrégularités comptables imputables aux industriels et commerçants mais aussi celles commises par tous les contribuables à qui une disposition légale impose la tenue de certains documents comptables (contribuables imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ou soumis au régime d’imposition réel en matière de bénéfices agricoles par exemple).

Dans une mise à jour de la base BOFiP-impôts du 20 septembre 2023, l’Administration complète les commentaires relatifs aux infractions assimilées au délit de fraude fiscale avec plusieurs décisions jurisprudentielles illustrant les éléments constitutifs du délit comptable.

Éléments constitutifs du délit comptable

Élément matériel

 

Cumul possible avec le délit de fraude fiscale - Les deux qualifications du délit comptable (omission de passation d’écritures/passation d’écritures fictives ou inexactes) peuvent éventuellement se cumuler au titre d’une même période ou d’un même exercice.

 

Illustrations jurisprudentielles des éléments constitutifs du délit comptable - L’omission de passer ou faire passer les écritures consiste, notamment, en : l’absence de livres dont la tenue est obligatoire :

La Cour de cassation a également jugé qu’il résulte des articles 1743 du CGI et L. 102 B du LPF que le fait de passer des écritures comptables sur des supports ne permettant pas à l’administration des impôts d’exercer ses droits d’enquête et de contrôle dans les délais qu’ils prévoient, est constitutif d’irrégularités caractérisant le délit d’omission de passation d’écritures comptables (Cass. crim., 16 janv. 2013, n° 12-81.496, s’agissant d’un établissement de restauration utilisant un logiciel informatique permissif).

 

Illustrations jurisprudentielles des notions de passation d’écritures inexactes ou fictives - La passation d’écritures inexactes ou fictives consiste en la passation d’écritures qui ne correspondent pas à la réalité, soit qu’elles ne reflètent pas fidèlement les opérations auxquelles elles se rapportent (par exemple, comptabilisation de fausses exportations exonérées de TVA en lieu et place de ventes réalisées en France, écritures relatives à des opérations de sous-traitance dissimulant la rémunération de salariés non déclarés), soit qu’elles s’attachent à des opérations inexistantes (par exemple, charges fictives).

La comptabilisation de fausses factures peut relever de l’une ou l’autre de ces catégories.

Parmi les illustrations offertes par la jurisprudence de la Cour de cassation, on peut citer :

  • l’inscription dans la comptabilité de factures de commissions injustifiées (Cass. crim., 20 sept. 2000, n° 99-81.658) ;

  • une comptabilité présentant les anomalies suivantes : défaut d’indication du mode d’encaissement des honoraires, absence de justification de certaines recettes, confusion quant à la nature des sommes transitant par les comptes mixtes du prévenu, crédits présentant la caractéristique de sommes séquestrées (Cass. crim., 7 nov. 2001, n° 00-87.900) ;

Élément intentionnel

 

Le délit comptable requiert pour être constitué que son caractère intentionnel soit établi.

Le contribuable doit :

  • d’une part, se savoir astreint à la tenue des livres comptables et,

  • d’autre part, avoir conscience de manquer à la correcte exécution de cette obligation, étant précisé que la jurisprudence considère que les professionnels soumis à ces obligations comptables sont censés les connaître, ou à tout le moins connaître le principe de la tenue impérative des documents comptables.

 

Illustrations de l’élément intentionnel - Selon la jurisprudence reprise dans les commentaires BOFiPImpôts, la preuve du caractère intentionnel du manquement à l’obligation peut découler :

  • de la négligence de veiller au correct établissement des documents comptables obligatoires,

  • du refus de remettre les pièces comptables demandées,

  • de la tenue d’une comptabilité occulte,

 

Autres éléments de nature à étayer l’intentionnalité - La répétition des omissions ou irrégularités d’écritures est également de nature à étayer l’intentionnalité du délit, de même que leur gravité.

Ainsi, la Cour de cassation a relevé que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les anomalies dans la tenue de la comptabilité de la société ne pouvaient en raison de leur importance et leur gravité résulter d’erreurs involontaires mais établissent suffisamment l’intention de fraude (Cass. crim., 22 oct. 2003, n° 03-80.242).

Les juges du fond ont également estimé que notamment l’absence des journaux auxiliaires de caisse, de banque, achat et opérations diverses rend irrégulière la comptabilité reprise au grand livre et au livre journal, que la répétition de ces absences, à chaque fois à cheval sur un exercice, jointe à la non sincérité du livre d’inventaire, établit l’intention frauduleuse du prévenu (Cass. crim., 10 sept. 2003, n° 02-86.510).

Auteur du délit

 

L’auteur du délit comptable est le professionnel astreint à l’obligation comptable méconnue.

Au sein des personnes morales, l’imputation procède des mêmes règles que pour le délit général de fraude fiscale. En principe, en l’absence de toute délégation de pouvoirs, le dirigeant légal ou statutaire d’une société est personnellement tenu de se conformer aux obligations comptables et fiscales incombant à l’entreprise, y compris en cas d’existence d’un dirigeant de fait. Ainsi jugé :

  • les dirigeants sociaux peuvent être recherchés pour la commission de ce délit, sans pouvoir s’exonérer au motif que la tenue de la comptabilité sociale relèverait de la seule compétence du comptable salarié de l’entreprise (Cass. crim., 13 oct. 1986, n° 86-90.179).

  • la Cour de cassation a considéré à la différence des premiers juges, que le délit d’omission d’écritures comptables est caractérisé, en tous ses éléments, notamment intentionnel, à l’encontre du prévenu à qui il appartenait de s’assurer que la comptabilité était régulièrement tenue (Cass. crim., 5 août 1998, n° 97-83.606).

Procédure et sanctions

 

Date de l’infraction et prescription de l’action publique - Les plaintes peuvent être déposées jusqu’à l’expiration de la 6e année qui suit celle au cours de laquelle l’infraction a été commise. Le délai est identique qu’il s’agisse du délit de fraude fiscale ou du délit comptable (LPF, art. L. 230).

Le point de départ du délai de prescription est la date de l’infraction, c’est-à-dire celle à laquelle l’écriture mensongère a été inscrite sur les documents comptables ou celle à laquelle aurait dû être passée l’écriture omise. Toutefois, il convient de considérer qu’en cas de pluralité ou d’enchaînement d’écritures, le délai de prescription court à compter de la passation de la dernière écriture irrégulière.

 

Spécificité du délit comptable - Dans le principe, le délit comptable est une infraction distincte du délit de fraude fiscale (CGI, art. 1741) et peut être poursuivi indépendamment de ce dernier.

La Cour de cassation a jugé que le délit d’omission de passation d’écritures ou de passation d’écritures inexactes ou fictives constitue, lorsqu’il est poursuivi principalement et non comme un des éléments ou l’une des circonstances aggravantes du délit de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt (CGI, art. 1741), une infraction distincte de ce dernier délit et qui est caractérisée en elle-même, dès lors que se trouvent réunis ses éléments constitutifs propres et sans qu’il soit nécessaire que son auteur ait poursuivi la réalisation d’une fraude fiscale (Cass. crim., 3 déc. 1979, n° 79-90.288).

Enfin, malgré sa spécificité, le délit comptable entre dans les prévisions de l’article L. 228 du LPF à l’article L. 233 du LPF et doit dès lors faire l’objet d’une saisine préalable de la commission des infractions fiscales (Cass. crim., 15 déc. 1987, n° 87-83.475 ; Cass. crim., 16 oct. 1989, n° 87-83.178).

 

Peines - Les peines prévues pour le délit d’omission d’écritures ou de passation d’écritures inexactes ou fictives sont celles encourues pour le délit de fraude fiscale.