Pacte Dutreil : Une jurisprudence inédite !

La Cour de cassation livre une interprétation inédite des dispositions qui exonèrent partiellement de droits de mutation la transmission à titre gratuit de parts ou actions de sociétés ayant notamment une activité libérale.
Le système dit du pacte Dutreil repose sur un engagement collectif de conservation des titres pendant au moins 2 ans, en cours lors de la transmission. L’engagement ayant été pris avec d’autres associés par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit (CGI, art. 787 B, a). Cet engagement collectif est la première des conditions exigées.
S’y ajoutent plusieurs autres, dont celle figurant au paragraphe d de l’article 787 B, selon laquelle l’un des associés, partie à l’engagement collectif, ou l’un des héritiers, donataires ou légataires, doit, pendant la durée de cet engagement et durant les 3 années qui suivent la transmission, exercer son activité professionnelle principale ou les fonctions de dirigeant dans la société dont les titres ont été transmis à titre gratuit.
Pour sa part, l’engagement collectif doit répondre à des conditions précises, figurant au paragraphe b du texte. Il doit notamment porter sur un minimum de droits financiers et de droits de vote (CGI, art. 787 B, b,1). Ce même paragraphe ajoute, dans une sous-partie 2, une situation où l’engagement collectif de conservation est réputé acquis. C’est le cas quand une personne physique, seule ou avec son conjoint, possède depuis 2 ans au moins des parts ou actions qui atteignent le seuil fixé au paragraphe b, 1. Mais ce n’est pas tout, il convient encore que cette personne ou son conjoint exerce depuis 2 ans au moins dans la société son activité professionnelle principale ou des fonctions de dirigeant.
Dans une décision du 24 janvier 2024, la Cour de cassation rapproche cette situation particulière de la condition générale du paragraphe d de l’article 787 B du CGI. Elle en déduit que, même dans le cas où l’engagement collectif de conservation est réputé acquis, l’exonération partielle de droits de mutation suppose que, durant les 3 années suivant la transmission, l’un des héritiers, donataire ou légataire exerce dans la société son activité professionnelle principale ou des fonctions de dirigeant (Cass. com., 24 janv. 2024, n° 22-10.413).
Aucune raison, en effet, de dispenser les bénéficiaires de la transmission, dans ce cas particulier, du respect de la condition tenant à la gestion de la société après le décès ou la donation.
Rappelons que l’exonération porte sur 75 % de la valeur des titres. La jurisprudence admet que la société puisse avoir une activité civile, autre qu’agricole ou libérale, à condition que l’activité ouvrant droit à l’avantage soit exercée à titre principal (CE, 23 janv. 2020, n° 435562 ; Dr. fisc. 2020, n° 20, comm. 155, note B. Lignereux. – Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955 ; Dr. fisc. 2020, n° 51-52, comm. 472, note J.-F. Desbuquois et J. Kozlowski). Pendant un temps très court, les redevables ont espéré que les locations de locaux meublés à usage d’habitation ne soient pas systématiquement écartées des activités de la personne morale ouvrant droit à l’exonération (CE, 29 sept. 2023, n° 473972 ; Dr. fisc. 2023, n° 23, comm. 345, note F. Fruleux). Mais la dernière loi de finances a brisé cet élan, écartant de la définition des activités admises la gestion, par les sociétés, de leur propre patrimoine, mobilier ou immobilier (L. n° 2023- 1322, 29 déc. 2023, art. 23 : D.O Actualité 1/2024, n° 45, note J.-F. Desbuquois. – CGI, art. 787 B, al. 2.).