Propositions pour simplifier les démarches des entreprises

Une consultation publique, qui s’est tenue jusqu’au 29 décembre 2023, et dont résultent aujourd'hui de nombreuses propositions, doit permettre de rédiger la loi Pacte II qui poursuivra la simplification des normes des entreprises.
Afin de faciliter, améliorer, simplifier la vie des chefs d’entreprise dans la compréhension des normes, dans leurs relations avec les administrations et dans leurs démarches du quotidien, le ministre de l’Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, et la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme ont lancé, le 16 novembre 2023, une large consultation publique (« rencontres de la simplification »).
Cette consultation publique, qui s’est tenue jusqu’au 29 décembre 2023, doit permettre de rédiger la loi Pacte II qui, après la loi Pacte, poursuivra la simplification des normes des entreprises.
Le projet de loi, prévu pour mars 2024, sera ainsi alimenté par les idées découlant des propositions des entrepreneurs soumises lors de la consultation.
Plus de 5 400 propositions ont ainsi été déposées par environ 29 000 participants ayant procédé à 734 000 votes sur l’ensemble de ces propositions. Les idées principales issues de cette consultation ont été définies sur la base de plus de 950 propositions ayant récolté au moins 75 % de votes en leur faveur. 23 idées réparties en 5 axes ont ainsi émergé.
Les cinq parlementaires rapporteurs du projet de loi ont également fait 14 propositions suite aux réunions publiques qu’ils ont organisées.
Enfin, le conseil national des experts-comptables (CNOEC) a présenté 36 propositions concrètes pour simplifier la vie des entreprises.
Mesures plébiscitées lors de la consultation publique⚓
Bercy a publié sur son site le 24 janvier 2024, les 23 mesures plébiscitées lors de la consultation. L’essentiel des suggestions émises par les participants concerne les thèmes suivants :
simplification des procédures :
simplifier les démarches et procédures pour faciliter la gestion d’entreprise : création d’entreprise, gestion fiscale, gestion de la paye et à chaque étape de gestion incombant aux dirigeants (congés, licenciements, médecines du travail, etc.). Le consensus se pose également sur la simplification du nombre et du contenu de certains documents et formulaires, tout comme la simplification du droit du travail ;
simplifier l’accès aux aides et aux subventions : les entrepreneurs sont massivement d’accord pour faciliter le déclenchement des aides, rendre le système plus lisible et accélérer les délais de versement ;
faciliter les modifications d’informations relatives à l’entreprise : les participants s’accordent pour faciliter la modification d’un certain nombre d’informations (type de société, adresse du siège, dépôt de comptes...), et prônent le fait de pouvoir réaliser ces changements en « un seul clic » sur les plateformes ou de les appliquer automatiquement une fois l’Administration prévenue ;
fluidifier et accélérer les procédures auprès des greffes des tribunaux de commerce : il s’agit ici de réduire significativement les délais de réponse/traitement des démarches ou des contentieux adressés aux tribunaux de commerce, et de pouvoir contacter les greffes plus facilement ;
faciliter l’accès effectif des PME et des productions locales à la commande publique : les participants souhaitent changer les modalités d’appels d’offre dans les marchés publics au profit d’une plus grande place réservée aux PME/TPE ainsi qu’aux critères de production locale. Il s’agit ainsi de favoriser le « Fabriqué en France » et les engagements RSE (responsabilité sociétale des entreprises) (RSE) des futurs titulaires ;
faciliter les démarches des transmissions d’entreprise ou de cessation d’activité : les entrepreneurs s’accordent pour fluidifier la reprise d’une entreprise selon la situation (transmission familiale, maintien de l’emploi...) et rendre plus rapide la cessation complète d’activité ;
simplification du quotidien des entreprises :
simplifier les modalités de calcul et de déclaration des charges fiscales/sociales : les entrepreneurs sont massivement d’accord pour décomplexifier le calcul des charges et le nombre de canaux de déclaration. Ils préconisent aussi davantage d’explications, avec des libellés clairs, sur les fondements des charges pour comprendre et mieux maîtriser la gestion de la fiscalité au cours de l’année ;
consolider le droit à l’erreur et les communications préalables aux sanctions : les répondants souhaitent notamment que l’Administration mette l’accent sur la notification progressive d’information avant de mettre en oeuvre des pénalités ou des injonctions de payer ;
garantir les délais de paiement d’un prestataire, notamment de la part des pouvoirs publics : il s’agit ici de renforcer les obligations contractuelles de délais de paiement, en garantissant les mêmes délais que dans le privé, et de mettre en place des compensations le cas échéant, sinon des amendes/intérêts en cas de retard avéré ;
simplifier l’édition et la lisibilité des fiches de paie : les entrepreneurs sont majoritairement en faveur d’une réduction de la complexité de la mise en oeuvre des fiches de paie ;
adaptation de l’Administration aux usagers :
étendre les modalités de contact avec l’Administration, en conservant les échanges oraux : les entrepreneurs sont massivement d’accord pour développer l’accès téléphonique avec l’Administration, assurer un équilibre entre rendez-vous présentiels et dématérialisés et pouvoir joindre un conseiller dédié de vive voix ;
unifier le nombre de sites et leur contenu : il s’agit ici en priorité d’unifier l’ensemble des sites et portails disponibles pour faciliter les démarches et déclarations, et de les rendre plus clairs et fonctionnels ;
poursuivre la mise en place de guichets uniques : les participants souhaitent renforcer le principe de guichets uniques disponibles pour gérer l’ensemble des démarches et adresser toute question, avec l’usage d’un compte unique par entreprise ;
appliquer le principe « Dites-le nous une fois » et une meilleure synchronisation des informations entre administrations : il s’agit notamment de faire en sorte que les usagers n’aient pas à faire parvenir plusieurs fois les mêmes documents ou informations au cours de leurs démarches ;
renforcer la posture d’accompagnement des administrations : les entrepreneurs sont massivement en faveur d’un changement de posture quant à la manière dont l’Administration traite les dossiers, avec davantage d’accompagnement et de pédagogie de la part de celle-ci ;
adopter un langage plus aisé à comprendre dans tous les supports, à commencer par les lois : il s’agit ici de mobiliser un langage plus intelligible pour les usagers (textes de lois, réglementations, instructions, courriers de l’administration, etc.) ;
simplifier les relations en fusionnant les services au contact des entreprises : les participants s’accordent pour diminuer le mille-feuille administratif, notamment en rapprochant/fusionnant certains organismes. Ils plaident ainsi en faveur de la réalisation d’audits afin d’inventorier des doublons au sein des organismes ;
généraliser des expériences d’immersion des fonctionnaires et décideurs dans le quotidien des entreprises : les entrepreneurs souhaitent placer les fonctionnaires (ou tout décisionnaire public) dans une logique de rapprochement avec une expérience de terrain (formation, immersion, stage, observation) afin de mieux connaître et comprendre les réalités économiques des petites entreprises ;
rationalisation et suppression de normes :
veiller à limiter l’empilement des nouvelles normes et règles : les participants constatent un nombre croissant de nouvelles normes dont il faudrait limiter l’empilement, sinon pouvoir remplacer une ancienne règle dès lors qu’une nouvelle apparaît ;
adapter les normes en fonction de la taille de l’entreprise : il s’agit ici de ne pas systématiquement appliquer les mêmes normes sans distinction aux TPE/PME et aux grandes entreprises, mais aussi d’adapter les charges pour les PME/TPE ou les procédures d’appel d’offre spécifiquement pour ces structures ;
droits sociaux :
assurer une meilleure protection sociale aux entrepreneurs (chômage, retraites) : les entrepreneurs s’accordent pour changer le système de cotisation afin d’ouvrir différents droits sociaux et protections aux dirigeants et entrepreneurs ;
valoriser et soutenir les dispositifs de formation professionnelle : l’idée est de développer davantage la formation professionnelle pour tous les publics, et de faciliter le rapprochement des entreprises et des centres de formation ;
mieux contrôler la délivrance des arrêts maladie : les participants souhaitent un contrôle plus régulier des salariés en arrêt maladie afin d’éviter les abus.
Propositions des rapporteurs du projet de loi⚓
Après la loi Pacte, complétée par les lois ASAP (L. n° 2020-1525, 7 déc. 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique) et ESSOC (L. n° 2018-727, 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance), le futur texte doit, selon les rapporteurs du projet de loi, prévoir « une quinzaine de mesures fortes, puissantes, identifiables et grand public », et s’attacher à répondre aux 3 objectifs suivants :
mettre un terme aux complexités administratives ;
accélérer les processus et libérer le potentiel de croissance ;
renforcer la confiance entre les autorités publiques et les PME.
À partir des attentes exprimées par les forces vives de l’économie et en les associant étroitement, les parlementaires proposent d’agir sur 4 axes :
adopter une première loi de simplification au premier semestre 2024 ;
mettre au point les textes nécessaires, pour « mettre fin à l’inflation normative » (+72 % d’articles législatifs en 20 ans) ;
lancer un programme triennal de simplifications, décliné en objectifs trimestriels, évalué chaque année par la Cour des comptes prenant en compte les écarts de normes de nos concurrents ;
« armer » administrativement une véritable politique publique interministérielle de la simplification en s’inspirant des meilleures pratiques internationales.
Dans un rapport présenté le 15 février 2024, les parlementaires ont ainsi listé 14 propositions :
mettre fin à des redondances et formalités inutiles identifiées qui relèvent de différents codes (Code du travail, Code de commerce, Code de l’énergie, etc.) tant au niveau législatif que réglementaire ;
lever les derniers verrous pour une véritable application du principe « dites-le nous une fois pour toutes » ;
permettre aux entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés de définir avec les salariés l’application de certaines dispositions des accords de branche ;
alléger les obligations des 3 principaux seuils de salariés (11-50-250) en les décalant d’un niveau ;
aligner les droits bancaires et assurantiels des professionnels et des particuliers ;
privilégier les régimes de déclaration aux régimes d’autorisation ;
généraliser le principe de dématérialisation des démarches à destination des entreprises tout en remettant le contact humain au coeur de l’Administration ;
proposer une visite de conformité et un rescrit pour faciliter l’accompagnement des entreprises ;
réévaluer l’existence et la temporalité des instances consultatives (CNDP, commission nationale de débat public et CCC, commission de concertation du commerce) au regard des évolutions récentes du droit afin de simplifier et accélérer la réalisation des projets ;
réduire les délais de contentieux, notamment prud’homaux ;
favoriser la coordination et l’acceptation des contrôles (en particulier, revoir l’organisation des contrôles dans le domaine des établissements recevant du public) ;
dépénaliser les niveaux de sanctions en cas de manquement, de bonne foi, à des obligations déclaratives des dirigeants ;
astreindre toutes les administrations publiques à une contribution forfaitaire en cas de dépassement du délai de paiement ;
faciliter l’accès à la commande publique pour les TPE et PME.
Propositions des experts-comptables⚓
Les 36 propositions formulées par le Conseil national de l’Ordre des experts-comptables (CNOEC) visent à libérer du temps et de l’énergie pour que les entreprises puissent se concentrer sur leur activité, leur valeur ajoutée et dégager plus de trésorerie. Elles visent aussi à soutenir les entreprises en trouvant des solutions à leurs difficultés et à préserver l’emploi.
Les propositions de l’Ordre sont regroupées dans les thèmes suivants :
simplifier les obligations fiscales ;
instituer comme principe que le dépôt d’une déclaration de résultat et de TVA dans les délais légaux vaut option, sans qu’il soit nécessaire de réaliser une option préalable ;
harmoniser les dates de dépôt des déclarations fiscales des entreprises en déposant la déclaration de CVAE et la CA12 en même temps que la déclaration de résultat (liasse fiscale) ;
supprimer la DAS 2 pour les TPE et PME ;
supprimer le relevé des frais généraux (déclaration n° 2067) ;
mettre en place un mandat fiscal unique valable pour tous les impôts pour un même contribuable ;
simplifier le dialogue entre l’administration fiscale et le contribuable ;
permettre la régularisation spontanée sans pénalité ni intérêt de retard dans le cadre d’un examen de conformité fiscale (ECF) ;
autoriser la comptabilisation en charges des petits investissements jusqu’à 1 000 € ;
supprimer la limitation du report en arrière (carry-back) des déficits ;
simplifier la réglementation sociale ;
simplifier le bulletin de paie par la remise d’un bulletin de paie simplifié au salarié chaque mois et la remise d’un bulletin plus étoffé une fois par an ;
assouplir les règles de remplacement d’un contrat de travail à temps partiel ;
harmoniser les seuils de décompte des effectifs entre sécurité sociale et droit du travail ;
autoriser la liberté du choix du statut social du dirigeant, indépendamment de la structure juridique ;
transférer la responsabilité du respect de la durée du travail de l’employeur vers le salarié (en cas de cumul d’emplois) ;
simplifier les obligations juridiques ;
reconnaître le statut de tiers déclarant sur tous les portails déclaratifs ;
élargir le périmètre du mandat implicite des tiers déclarants pour toutes les démarches ;
généraliser les procédures déclaratives sous format EDI ;
créer systématiquement un compte professionnel des impôts et une messagerie sécurisée avec envoi des codes par mail et SMS ;
mettre en place un rescrit institutionnel pour renforcer la sécurité juridique et fiscale des professionnels ;
généraliser la possibilité de tenir des AG d’approbation des comptes annuels (AGOA) en distanciel ou par écrit (acte sous seing privé) ;
simplifier les modalités de convocation aux assemblées des SARL et des SA ;
simplifier le formalisme des SARL en autorisant la mise à disposition des documents relatifs à l’assemblée générale ;
simplifier et harmoniser les publicités légales ;
faciliter l’enregistrement des cessions de titres réalisées électroniquement et alléger le formalisme des cessions de parts de SCI ;
accélérer le paiement des marchés publics en fixant le point de départ du délai de paiement à la date d’émission de la facture ;
simplifier la prévention et le traitement des difficultés ;
étendre la levée de l’interdiction bancaire (autoriser les moyens de paiement au dirigeant : cartes bancaires et chèques) dans le cadre d’une conciliation constatée ou d’un mandat ad hoc sans délai (sous réserve du contrôle du juge) ;
formaliser la possibilité de recourir à un mandataire ad hoc dans un délai de 45 jours (à l’instar de la conciliation) ;
étendre la protection de la caution aux procédures amiables ;
clarifier les règles de maintien des remboursements inhérents à un crédit-bail (à l’instar des précisions apportées dans le cadre d’un prêt in fine) ;
simplifier la durabilité ;
simplifier l’accréditation des organismes tiers indépendants (OTI) ;
simplifier les obligations des parties prenantes dans le cadre de l’ordonnance ;
simplifier l’établissement du bilan carbone ® ;
simplifier la vie des acteurs publics :
installer le principe du « Dites-le-nous en une seule fois » ;
assurer la transparence financière des collectivités territoriales non soumises à la certification ;
simplifier le dépôt des comptes de campagne des candidats aux élections.