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19 décembre 2024

Présomption de démission en cas d’abandon de poste

Statuant sur requête de syndicats de salariés, le Conseil d’État a rejeté la demande d’annulation du décret du 17 avril 2023 ayant mis en oeuvre la nouvelle procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste.

 

Statuant au contentieux, le Conseil d’État a rejeté, le 18 décembre 2024, la demande d’annulation du décret du 17 avril 2023 ayant mis en oeuvre la nouvelle procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste dont il avait été saisi par plusieurs syndicats de salariés. Il a validé, ce faisant, le dispositif (CE, sect. contentieux, 1re et 4e ch. réunies, 18 déc. 2024, n° 473640, 473680, 474392, 475097, 475100 et 475194).

Dans sa décision, il précise toutefois que, pour admettre la présomption de démission d’un salarié, ce dernier doit nécessairement être informé des conséquences que peut avoir l’absence de reprise du travail sans motif légitime.

Rappel des conditions de mise en oeuvre de la procédure

 

Les conditions de mise en oeuvre de la procédure à suivre par l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste de travail et qui entend se prévaloir d’une présomption de démission, instaurée par l’article 4 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, avaient été précisées par un décret n° 2023-275 du 17 avril 2023).

Rappelons succinctement que l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste de travail et qui entend se prévaloir d’une présomption de démission doit mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de rejoindre son poste dans un délai fixé par l’employeur, qui ne peut être inférieur à 15 jours.

Cette mise en demeure est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Si le salarié invoque un motif légitime faisant obstacle à la présomption de démission, il doit l’indiquer dans sa réponse à la mise en demeure. Il peut s’agir notamment de raisons médicales, de l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, du refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou d’une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Ce dispositif est entré en vigueur à compter du 19 avril 2023.

Le ministère du Travail avait également apporté des précisions sur cette procédure dans un document Questions- Réponses, publié le 18 avril 2023.

La mise en oeuvre de ce dispositif par le décret du 17 avril 2023 a toutefois été attaquée par certains syndicats de salariés qui ont alors saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation du décret pour excès de pouvoir (Force ouvrière, CGT, FSU et Solidaires).

Précisions du Conseil d’État sur la présomption de démission

Validation du décret du 17 avril 2023

 

Le Conseil d’État rejette tout d’abord la demande d’annulation du décret du 17 avril 2023, considérant qu’il se borne à fixer les modalités d’application de la loi et ne peut donc être regardé comme un « projet de réforme » qui aurait dû être soumis à une concertation préalable, comme le prévoient le Préambule de la Constitution de 1946 et le Code du travail.

Inapplication de la convention 158 de l’OIT

 

Concernant le reproche formulé par les requérants sur l’absence des garanties prévues par la convention internationale du droit du travail n° 158 sur le licenciement dans la loi et le décret précités, le Conseil relève que cette convention ne couvre cependant que la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur et non les situations de démission volontaire.

Il en déduit qu’elle n’est donc pas applicable car, si c’est bien l’employeur qui initie la procédure par l’envoi d’une mise en demeure, c’est en réalité le salarié, par son absence persistante sans justification, qui est à « l’initiative » de la rupture de la relation de travail.

Comme le décret le prévoit, l’abandon de poste ne peut d’ailleurs pas être considéré comme volontaire en cas de motif légitime, par exemple pour des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation, ou des modifications du contrat à l’initiative de l’employeur. La présomption de démission est donc écartée dans ces hypothèses.

Précision sur la procédure de mise en demeure

 

Selon la loi, en cas d’abandon de poste, l’employeur doit envoyer une mise en demeure au salarié. Cette mise en demeure a pour objet de s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste du salarié, en lui permettant de justifier son absence ou de reprendre le travail dans le délai fixé.

 

Information du salarié à préciser - Le Conseil d’État prend, pour les salariés du privé, une position identique à celle qu’il avait prise en cas d’abandon de poste dans la fonction publique : pour considérer qu’il y a présomption de démission du salarié, ce dernier doit être nécessairement informé des conséquences d’une absence de reprise du travail sans motif légitime, même si le décret attaqué ne l’a pas explicitement précisé.

 

Délai minimum de 15 jours - Selon la loi, l’employeur doit envoyer la mise en demeure par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge. Le décret a précisé que le délai que l’employeur doit accorder au salarié pour justifier son absence ou reprendre le travail est d’au moins 15 jours à compter de la date de présentation de la mise en demeure.

Selon le Conseil d’État, le décret fixe pour ce délai minimum une durée et un point de départ clairs, qui ne sont ni contraires à la loi ni manifestement erronés.